
« 40 % des trajets font moins de 2 kilomètres », indique ce matin de mai 2022 le radar de l'avenue des Plans à Villeneuve-Loubet (06), en alerte orange, alors que la France connaît un été indien avant l'heure. « S'il passait au rouge aujourd'hui, le message évoluerait en : Est-ce vraiment utile de prendre votre voiture ? », indique Serge Jover, président de l'Association de défense de l'environnement de Villeneuve (Adev), à l'initiative de ce radar pédagogique.
Villeneuve-Loubet est une ville verte, avec 70 % d'espace naturels, et dont la population triple l'été. Mais la route départementale qui la traverse (l'avenue des Plans) est l'axe principal qui relie l'arrière-pays de Grasse à la côte Méditerranée et à Cagnes-sur-Mer. « Si on ajoute la présence d'une carrière, d'un centre de tris des déchets, d'un centre commercial et de la zone d'activités Sophia Antipolis, tout concourt à faire de cette avenue un axe fréquenté par 40 000 véhicules par jour en moyenne, dont de nombreux poids lourds », note le président. D'où l'idée de mesurer la qualité de l'air à cet endroit précis.
Partenariat entre associations et mairie
Le projet MIQASS – Mesures Incitatives de la Qualité de l’Air pour la Sensibilité et la Santé - a été réalisé en partenariat avec Atmo Sud, la commune de Villeneuve-Loubet et l’Adev. Atmo Sud est l’association référente de la qualité de l’air pour l’État, elle alerte l’État de toutes pollutions atmosphériques.
En 2019, l'Adev contacte donc Atmo Sud, avec l'idée de mettre en place un totem en bord de cette route. « Les radars pédagogiques font en général de la modélisation, nous voulions un radar mesurant la qualité de l'air en temps réel en un point donné », poursuit le président de l'association. Rapidement, la mairie donne son accord et devient partenaire du projet : « C'est toujours difficile pour un maire d'accepter de dire que l'air est pollué, indique Lionnel Luca, maire de Villeneuve-Loubet. C'est pourtant essentiel de sensibiliser les citoyens à une réalité qu'ils ne perçoivent pas, alors que l'air pollué ravage la santé. » De nombreuses études prouvent en effet l'impact de la pollution de l'air sur la diminution de l'espérance de vie et la survenue de maladies cardiovasculaires et de cancers. En 2016, Santé Publique France estimait ainsi que la pollution aux particules fines était directement responsable de 48 000 morts prématurées dans le pays.
Le développement du radar prototype n'a pas été simple. C'est un totem, équipé d'un capteur en cabine, qui mesure les taux de dioxyde de carbone, de particules et d'ozone. Les informations sont ensuite envoyées vers un serveur informatique qui les compare aux seuils de l'Organisation mondiale de la santé, plus stricts que ceux des Agences régionales de santé (ARS) françaises. En fonction de l'information reçue, le message pédagogique diffère, avec un délai de 5 minutes sur le temps réel. « Il nous a fallu 6 mois d'essais pour garantir la qualité des mesures, avant de mettre le radar en service », précise le président de l'Adev. Trouver les partenaires industriels capables de ce développement n'a pas non plus été simple.
Un intérêt manifeste
Au-delà de l’information apportée sur l'avenue des Plans, le site internet de l'Adev publie aussi ces mesures. « Chaque jour, 100 personnes se connectent pour les connaître, c'est très encourageant alors que nous n'avons jamais fait de publicité. Et quand le radar est en panne, je suis tout de suite au courant avec leurs appels ! », indique le président de l'association. Lors du premier confinement, le radar a affiché plusieurs alertes orange, alors même qu'il n'y avait quasi aucun trafic, étonnant plusieurs citoyens : « C'est lié à la pollution à l'ozone et aux feux de cheminée, preuve que le trafic routier n'est pas non plus le seul en cause. » L'association prévoit de lancer une application pour téléphone mobile et va communiquer à l'été 2022, lors de la mise en service du nouveau totem, intégralement révisé après 4 années de fonctionnement. « Nous tablons sur 500 à 1 000 connexions par jour à l'avenir. »
Ce radar pédagogique a désormais fait ses preuves, inscrit par l’État dans les fiches du Plan de prévention de l'atmosphère (PPA) des Alpes-Maritimes. Mais comment diminuer concrètement le niveau de pollution à Villeneuve-Loubet ? La commune a créé 20 kilomètres de pistes et voies cyclables qui peuvent constituer une alternative pour aller au travail à vélo électrique. « Pourtant il n'y a jamais eu autant de voitures et de camions malgré la démonstration faite des problèmes de qualité de l'air sur l'avenue des Plans », se désole le maire. Un projet de route alternative a échoué, la nouvelle ligne ferroviaire Nice-Sophia Antipolis n'est programmée qu'en 2040. Le maire n'exclut donc pas d'instituer une zone à faible émission (ZFE) si les alertes rouges se multiplient, tout en restant pédagogique dans un premier temps. « Les chambres consulaires de commerce et d’industrie devraient aussi faire leur part du travail auprès de leurs adhérents : les fourgonnettes des artisans et les camions sont parmi les gros pollueurs. »
ncG1vNJzZmivp6x7o63NqqyenJWowaa%2B0aKrqKGimsBvstForKdlopaxor6MqZydmZektKq91J5krK2iYrmiedCumKWhpJp6pbGMpZiiql2rtq24xKecrq6VYrmwwcGeq2ZoZg%3D%3D